S’il y a bien une facette de l’univers de la mode qui me paraissait délicate à aborder, c’est celle de la joaillerie. On a tous vu des films tels que Blood Diamond ou un reportage sur les déversements de mercure dans les forêts amazoniennes… Autant dire que l’image que l’on a des mines n’est pas très glorieuse, pourtant nous sommes encore nombreux à refouler sciemment cette vision en achetant une jolie bague. La joaillerie c’est pour moi un secteur plein de paradoxes et de contradictions où chacun a bien conscience que l’envers du décors n’est pas rose…  tout en ayant le regard qui brille devant l’or et les belles pierres, symboles de richesse et de rareté. 

Cela fait maintenant plusieurs mois que j’ai commencé à interviewer des marques prônant des valeurs éthiques : non pas pour juger leurs produits, mais pour comprendre ce qui les anime, ce qui les motive à vouloir “faire autrement”. Rencontrer ces « acteurs de changements » c’est une façon pour moi de comprendre comment les choses peuvent s’améliorer.

Je me suis donc mise à la recherche d’une marque qui avait voulu aborder la joaillerie différemment. C’est ainsi que j’ai découvert Paulette à Bicyclette, un nom qui m’a sourire, mais surtout la première marque de joaillerie labellisée Fairmined en France. J’ai donc contacté Hélène, la fondatrice de la marque, pour qu’elle me raconte son histoire et écrire mon 9e portrait de créateur engagé.

Quand une passion devient un métier

À l’époque j’étais prof dans un lycée français au Proche-Orient. C’est là-bas que tout a commencé, quand une amie m’a initiée à la fabrication de bijoux. Sur place on trouvait facilement des pierres gemmes ou des perles de rivières. J’ai commencé comme ça, et ça ne m’a plus quitté ! Mais j’avais aussi une autre passion : le théâtre.

Plus tard Hélène rentre à Paris pour se lancer dans le monde du théâtre, tout en continuant à faire des bijoux sur son temps libre. En 2007 elle lance Paulette à Bicyclette, une marque au ton décalé, qu’elle fait connaître via son blog. Les bijoux commencent à très bien se vendre… il faut donc choisir entre la bijouterie et le théâtre, décider laquelle des passions deviendra une carrière professionnelle. Paulette l’a semble-t-il emporté !

À un moment je me suis sentie prête à aborder le travail du métal. J’avais envie de passer à la joaillerie, de travailler l’or et les pierres. Mais pour moi c’était impossible de le faire à cause des conditions d’extraction et de l’impact environnemental. On en parlait déjà à l’époque et cela me paraissait impensable de participer à ça.

Or recyclé ou or certifié Fairmined ?

J’ai démarré avec de l’or recyclé. C’était le plus simple : tout le monde recycle son or, c’est sans doute la matière la mieux recyclée au monde et ce depuis très longtemps. Personne ne jette de l’or ! Mais je voulais aller plus loin, car l’or a beau être recyclé depuis des siècles, cela n’a jamais fait baisser les volumes d’extraction.


Ce qui m’animait c’était d’avoir l’impact social et environnemental le plus positif possible. Je me disais que j’aurais beau travailler l’or recyclé par conviction, il y aurait toujours des ouvriers-mineurs qui se lèveraient le matin pour aller extraire de l’or parce que c’est leur seul moyen de subsister et qu’ils le feraient de façon dangereuse faute de moyens.

Pour Hélène, chacun doit “faire sa part”, pour que nos méthodes de production soient plus propres, plus justes. Si l’on extrait toujours de l’or de la Terre, autant qu’il y ait un vrai progrès social derrière. C’est un fait, des gens vivent dans une grande pauvreté et mettent les mains dans le mercure, le déversent dans les rivières parce que c’est peu cher et efficace et que les mines d’or artisanales leur permettent de survivre même si elles ne sont pas sécurisées. Ces questions ont poussé Hélène à chercher d’autres solutions que le recyclage, c’est ainsi qu’elle a découvert le label Fairmined en 2011.

Fairmined est un label de certification qui atteste de la provenance d’or produit par des mines autonomes, responsables, artisanales et à petite échelle. C’est une façon de garantir la traçabilité et les conditions d’extraction du métal tant sur le plan social qu’écologique.

Les mines certifiées Fairmined sont des mines où il n’y a pas d’enfants qui travaillent. Où les hommes et les femmes ont des salaires décents et égaux. Ce sont des mines où les gens travaillent dans des conditions sécurisées au maximum.


Cela reste bien sûr un travail dangereux. Mais au moins, ils ont un équipement de sécurité et du matériel qui fonctionne correctement. En terme environnemental, ce sont des mines qui pratiquent la reforestation dès que possible. Elles réutilisent le minerai qui n’est pas de l’or pour construire des choses utiles et contrôlent l’utilisation du mercure. 

10 grammes d’or éthique

Après quelques tâtonnements, Hélène trouve la mine d’Oro Verde en Colombie. Mais malheureusement celle-ci ne vend pas directement aux bijoutiers. Elle réussit ensuite à contacter un des fondateurs de Fairmined qui achète de l’or aux mines certifiées pour le revendre aux joailliers.

À l’époque je n’avais pas d’argent. Je voulais acheter 10 grammes ! Il a bien voulu, en me disant : « je vous vend 10 grammes car peut être un jour vous m’en achèterez des kilos ». J’ai fait 2 alliances avec les 10 grammes… C’était le début ! »

Aujourd’hui Paulette à Bicyclette est l’une des marques pionnières de l’or éthique en France et compte une quinzaine de salariés. L’atelier est à Paris avec une boutique attenante, il existe également une autre boutique à Lyon.

De plus en plus de gens prennent conscience de l’importance de leur acte d’achat et de l’importance de la traçabilité des matières. Paulette à Bicyclette est aujourd’hui en pleine expansion, il se pourrait qu’une nouvelle boutique parisienne ouvre ses portes… Affaire à suivre 😉

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Merci Hélène d’avoir trouvé le temps de répondre à mes questions. J’ai hâte de découvrir votre nouvelle boutique.