La cosmétique ce n’est pas de la tarte ! C’est complexe, potentiellement dangereux pour la santé, et très réglementé. Quand je rencontre une start-up faisant des produits de soins ou de beauté bio, j’avoue être parfois partagée entre admiration et suspicion. J’oscille entre le côté séduisant du produit et l’inquiétude quant à son innocuité : c’est naturel certes, mais ça n’est pas pour autant inoffensif ou efficace. Et à l’heure des Youtubeuses et du DIY, je me pose toujours cette question face à un nouveau produit : dans quelle mesure a-t-il été testé ? Les normes ont-elles été respectées ? Est-ce que le produit vieillira bien ?

J’avais fait part de mes interrogations à Delphine en l’interrogeant sur sa marque de rouges à lèvres Les Narcisses. Elle m’avait alors évoqué l’aide précieuse apportée par son incubateur spécialisé en cosmétique éco-responsable : La Fabrique 621. Une forme d’éco-système accompagnant les start-up à aborder toutes ces questions techniques. Le projet m’a intrigué. J’ai voulu en savoir plus ! J’ai donc rencontré Diogou, la fondatrice de la Fabrique, pour qu’elle me raconte son histoire et signer ainsi mon 8ème portrait de créateurs engagés !

Un besoin de reconversion

Plusieurs des entrepreneurs que j’ai rencontré ne sont pas issus du secteur dans lequel ils se sont lancés. C’était le cas de Manon (Paume), Virginie (Jean-Louis Mahé) et c’est aussi le cas de Diogou. La jeune femme a quitté le monde de la finance pour celui de la cosmétique.

«  J’ai fait 10 ans de stratégies financières pour des banques internationales. Et je ne m’y retrouvais pas, surtout sur le plan éthique. J’avais vraiment besoin d’une reconversion et l’envie d’entreprendre. 

En parallèle je faisais des cosmétiques dans ma vie personnelle. J’avais commencé à la naissance de ma fille en essayant de trouver des produits naturels qui soit adaptés à ses cheveux et sa peau. C’est devenu une passion, et j’ai commencé à faire des huiles et des soins pour mes amis, mes collègues qui m’ont beaucoup encouragés à continuer.  J’ai donc lancé ma marque : Nazulie. C’était mon premier projet ! A cette période, j’ai rencontré beaucoup d’autres start-up, et je me suis vite rendue compte qu’on faisait face aux mêmes problèmes : des questions techniques, des dialogues peu évidents avec les laboratoires, des volumes de productions difficiles à appréhender. C’est là que l’idée de la Fabrique 621 est née ! »

Un éco-système fondé sur 4 piliers

La Fabrique 621 a pour volonté de rassembler des acteurs de la cosmétique partageant les même valeurs à savoir créer des produits éthiques, naturels et bio. Des toxicologues, des fournisseurs, des jeunes entrepreneurs partageant une même vision de la cosmétique sont mis en relation pour travailler sur de nouveaux projets. La Fabrique s’articule autour de 4 piliers : l’incubateur, le FabLab, le laboratoire, et le sourcing.

L’incubateur

C’est avant tout un programme pédagogique d’accompagnement par des experts répartit sur 6 mois. Chaque start-up a un planning défini avec des modules adaptés à son offre.

« Certaines personnes ont l’envie de vendre un produit cosmétique mais il ne faut pas oublier que c’est un produit qui interagit avec le corps, la peau. C’est important de rappeler les risques sanitaires que cela implique. Les modules permettent aux incubés de mieux comprendre ces interactions et la réglementation en vigueur qui va avec. 

On travaille sur la formule des produits en s’assurant qu’elle est en adéquation avec le message que la marque veut porter. On vérifie ensuite l’innocuité de ceux-ci avec des toxicologues. Tout est fait pour que les jeunes marques incubées arrivent sur le marché avec un produit testé et un dossier en règle. »

Le FabLab

C’est un lieux pour expérimenter et essayer des idées. C’est un endroit où les start-up peuvent élaborer des prototypes avec une cosmétologue.

« C’est vraiment un lieu d’idéation. Le FabLab se situe juste à côté du laboratoire, pour favoriser les échanges entre les start-up et les métiers techniques. »

Le laboratoire

C’est l’outils de production qui permettra aux incubés de lancer leur première production, il sera fonctionnel fin 2019. Les matières 1ères y sont mutualisées pour que les entreprises puissent produire de petites quantités.

« Quand on démarre et qu’on s’adresse à un labo, c’est parfois un peu compliqué, on ne comprend pas tout, et c’est vite décourageant pour un entrepreneur ! On a souhaité créer un outils de production qui soit accessible et aux normes européennes permettant aux entreprises de produire localement et à petite échelle.

C’est un lieu qui est également ouvert à d’autres petites entreprises qui ne sont pas incubées. Les volumes de productions minimum sont souvent trop élevé chez les labos français. En conséquence, les entrepreneurs rognent sur leur budget marketing ou vont produire dans les pays voisins. Beaucoup se retrouvent ensuite avec des produits stockés dont ils n’avaient pas besoin et qu’ils n’arrivent pas à écouler avant leur date de péremption. Lever cette barrière c’est aussi éviter beaucoup de gaspillage inutile ! »

Le sourcing

C’est le travail en amont de la filière pour avoir accès aux matières premières telles que le beurre de karité, le cacao ou l’huile d’hibiscus par exemple. La Fabrique 621 travaille avec des coopératives au Sénégal, au Togo, au Mali. Une facette importante pour garantir la traçabilité des produits.

«  Il est essentiel pour nous de bâtir des relations de travail équitables. J’ai rencontré des femmes qui créait vraiment de belles huiles respectueuses de l’environnement, mais qui n’avait pas accès aux marché ou a de bonnes conditions de travail. On essaie de leur permettre de se professionnaliser, d’obtenir les labels nécessaires. On crée des partenariats gagnant-gagnant : on les aide à encadrer et mettre aux normes leur production pour qu’elle corresponde à nos critères et en échange on leur garantit un volume de commandes et l’accès à un réseau de professionnels qui va leur permettre de se développer. On espère ainsi pouvoir financer des machines qui permettront d’améliorer les conditions de travail là-bas. »

La première promo 621 arrive !

Le projet à démarré en 2017, 2018 marqua un tournant lorsque l’incubateur a obtenu le soutient de la région et pu ouvrir sa première promotion d’incubés en 2019… Ce qui signifie que les premiers incubés vont bientôt arriver sur le marché !

« En créant La Fabrique, je voulais donner plus de poids à la cosmétique éco-responsable. Lui faire gagner des parts de marché ! Aujourd’hui il y a pleins de petites initiatives éparpillées, La Fabrique permet de les fédérer et de leur donner de la force. Je suis fière de voir qu’il y a beaucoup de gens qui partagent mes valeurs, et qu’on reçoit des demandes ! Chaque projet est très différent mais on partage tous la même vision. »

A terme La Fabrique souhaite également ouvrir une boutique à Paris, pour permettre à ses incubés d’être commercialisés rapidement et ainsi agir sur tous les maillons de la chaines d’un produit cosmétique ! Affaire à suivre 😉

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Merci Diogou pour le temps que tu m’as consacré et l’énergie que tu met dans ce beau projet ! J’ai hâte de voir votre boutique 🙂